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Souvenir Franco - Araucanien

Antoine de Tounens : le destin incroyable du Français devenu roi de Patagonie

30 Juin 2021

ANTOINE DE TOUNENS ACCLAMÉ PAR LES CHEFS ARAUCANS © JULES PECO(?)

ANTOINE DE TOUNENS ACCLAMÉ PAR LES CHEFS ARAUCANS © JULES PECO(?)

En 1858, Antoine de Tounens est un modeste avoué de Périgueux. Deux ans plus tard, il dirige le vaste royaume qu’il a fondé à l’autre bout du monde. Retour sur un incroyable destin.

Arauco, ville perdue à l’extrémité de la pointe sud-américaine, le 18 novembre 1860. Un cortège de chefs indiens à cheval se prosternent devant un grand homme brun et barbu. Antoine de Tounens, c’est son nom, est né trente-cinq ans plus tôt à plus de 12 000 kilomètres de là, en Dordogne. Il vient de se faire proclamer souverain d’un royaume créé la veille : sous le nom d’Orélie-Antoine Ier, il règne désormais sur l’Araucanie-Patagonie, un territoire plus vaste que la France qui s’étend des Andes au détroit de Magellan, et également sur les tribus indiennes qui le peuplent.

Le notable provincial veut devenir prince

La folle histoire débute en 1825, de l’autre côté de l’Atlantique. Huitième enfant d’une famille de cultivateurs aisés, Antoine Tounens grandit bercé par la légende familiale contée par son père : lui et ses frères sont en réalité des princes, descendants d’un ancien questeur romain. Antoine en est persuadé, un destin incroyable lui est promis. Brillant, le jeune homme passe son bac, termine des études de droit et s’installe comme avoué à Périgueux. Il achète même l’autorisation de porter la particule devant son nom de famille. Le voilà noble ! Mais ce statut de notable provincial ne comble pas ses rêves de grandeur : il veut devenir le prince qu’il aurait dû être.

Une Amérique du Sud pleine de promesses

Alors, en 1857, il décide de tout quitter pour partir tenter sa chance dans cette Amérique du Sud pleine de promesses. « Depuis notre extrême jeunesse, nos yeux s’étaient fixés […] sur cette partie de l’Amérique du Sud qui porte les noms d’Araucanie et de Patagonie. Pour nous, la géographie commençait et s’arrêtait à ces vastes contrées couvertes de forêts luxuriantes », écrit-il. Après avoir emprunté la somme de 25 000 francs à sa famille, il embarque en juin 1858 pour Coquimbo, au Chili, où il arrive deux mois plus tard.

Contrairement aux centaines d’autres Français attirés par l’eldorado sud-américain, ce n’est pas la fortune qu’il est venu chercher ; lui est venu prendre possession d’un royaume, celui d’Araucanie-Patagonie ! Ce territoire reculé où vivent les redoutables Indiens mapuches est convoité par le Chili et l’Argentine. Mais Antoine de Tounens a tout prévu. Pour résister à ces troupes armées, les Indiens vont devoir se fédérer et former un royaume organisé comme un Etat moderne européen. Un royaume dont, évidemment, il prendra la tête. Dans ses bagages, ce drôle d’aventurier emporte des pesos frappés à son effigie, un sceau, le drapeau officiel de son futur royaume et une constitution de 70 articles toute prête.

Antoine de Tounens, le sauveur blanc

Sur place, l’aspirant monarque se fait appeler Orélie-Antoine. Il commence à nouer des liens avec les tribus indiennes et à apprendre leur langue. A l’été 1860, il arrive enfin à Arauco, en territoire mapuche, pour rencontrer le chef local, le cacique Quilapan. Là, l’avoué de Périgueux bénéficie d’un incroyable coup de chance : depuis des siècles, les sorcières de la tribu annoncent l’arrivée d’un sauveur blanc. Quand ils le voient débarquer, avec son regard brillant et son projet si bien ficelé, les Mapuches sont convaincus qu’Antoine de Tounens est l’homme providentiel qu’ils attendent depuis si longtemps.

Antoine de Tounens devient Orélie-Antoine Ier

Le 17 novembre, la constitution est proclamée et, trois jours plus tard, les territoires d’Araucanie et de Patagonie sont réunis sous la bannière bleu-blanc-vert de ce drôle de roi français. Orélie-Antoine Ier a enfin le trône dont il rêvait !

Il envoie aussitôt un message très officiel aux voisins chilien et argentin pour les informer de la naissance de son royaume. Installé dans sa nouvelle capitale, Perquenco, entouré de ses deux ministres – sans doute imaginaires – Lachaise et Desfontaines, il nourrit de grandes ambitions pour son Etat : il rêve notamment de créer des lignes de vapeurs jusqu’à Bordeaux pour exploiter les mines d’étain et d’argent du pays. Evidemment, au début, personne ne prend au sérieux les prétentions de ce souverain farfelu. Mais la plaisanterie dure, le royaume est de mieux en mieux structuré et les rumeurs d’une prochaine insurrection des Indiens inquiètent le Chili, qui décide de passer à l’attaque.

En novembre 1861, les troupes d’Orélie-Antoine Ier, qui mène les combats dans son uniforme chamarré, sont mises en déroute par les soldats chiliens. Le 5 janvier 1862, le roi est fait prisonnier par l’intendant chilien Saavedra et mis au cachot. Malade, il alerte le représentant français à Santiago. En vain. Déclaré fou, il est finalement expulsé et reconduit en France à bord du Duguay-Trouin le 28 octobre 1862.

Mais Orélie-Antoine Ier ne renonce pas à sa couronne pour autant ! De retour en France, il n’a qu’une idée : retrouver son royaume et son peuple. Se comportant comme un souverain en exil, il publie ses Mémoires et un manifeste pour alerter l’opinion publique et lance même une souscription nationale pour l’aider à financer son retour. Il ne récolte que des quolibets et, une fois encore, c’est sa famille qui s’endette pour lui venir en aide.

Les expéditions d’Antoine de Tounens ont ruiné sa famille

A trois reprises, en 1869, 1874 et 1876, Antoine retraverse l’Atlantique, bien décidé à remonter sur le trône. La première fois, il rebrousse chemin car sa tête est mise à prix par les Chiliens qui le pensent responsable des troubles qui agitent la région. A la deuxième tentative, il est reconnu malgré un nom d’emprunt, de nouveau arrêté et expulsé vers Marseille. La troisième fois, son voyage s’arrête à Buenos Aires où, très malade, il est opéré avant d’être rapatrié en France une fois de plus. Recueilli par son neveu, le seul à ne pas lui en vouloir d’avoir ruiné la famille avec son aventure chimérique, le souverain déchu s’éteint à Tourtoirac, dans sa région natale, le 17 septembre 1878.

Le royaume d’Araucanie-Patagonie est toujours représenté

Le roi est mort, vive le roi ! En effet, la folle histoire du royaume d’Araucanie-Patagonie ne s’arrête pas avec lui : un certain Achille Laviarde lui succède sous le nom d’Achille Ier, sans qu’on sache bien s’il a été désigné par Orélie-Antoine ou s’il s’est autoproclamé roi à sa mort. Peu importe : la Maison royale d’Araucanie-Patagonie existe toujours...

Écrit par Marion Guyonvarch 

 

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